31/10/2021
Cette activité est indispensable pour le bien-être du chien. Lorsqu’elle est pratiquée dans le respect de ses besoins individuels, elle permet une nourriture intellectuelle ayant de nombreuses propriétés bienfaitrices.
Elle renforce les liens du binôme homme-chien tout en influant sur la régulation de l’équilibre psychique et le bien-être global du chien.
En somme si elle est proposée dans le respect de certaines règles, elle a le pouvoir d’un médicament apaisant.
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Le chiens domestique est amputé de libertés fondamentales. Malgré la cage dorée et confortable que nous lui offrons et malgré tout l’amour que nous lui portons, il est un détenu dépendant de l’humain pour répondre à ses besoins vitaux (manger, se soulager, dormir, se détendre, se défouler…). Ce contexte de domestication le fragilise. Le manque de stimulations lié aux conditions de vie facile joue un rôle dans l’affaiblissement de ses capacités cognitives, sensorielles et émotionnelles. Beaucoup de chiens souffrent d’hypersensibilité et d’hyper-réactivité (agression, fugue, attaque de prédation, destructions, troubles compulsifs comme la gloutonnerie ou le besoin de lécher, malpropreté, aboiements intempestifs…). D’autres chiens, au contraire, sont peu réactifs (manque d’entrain pour jouer, pour courir …) et se renferment sur eux-mêmes en présentant un comportement léthargique et de lassitude (dort beaucoup, abandonne vite). Un autre phénomène naturellement lié aux conditions de vie et au mode relationnel que nous entretenons avec le chien est une source d’anxiété. On le connait sous le nom d’hyper-dépendance ou d’hyperattachement.
Selon les données éthologiques, la structuration d’un groupe de chiens n’est pas fondée sur le concept « dirigeant-dirigé » à l’unilatéral avec un sujet dominant qui gouvernerait dans son royaume. Chaque chien selon ses capacités, son expérience et sa personnalité, propose des initiatives permettant de répondre aux besoins essentiels (se nourrir, se reposer en sécurité, se reproduire…).
Dans notre monde d’humains, le chien a principalement un rôle zoothérapeutique. Il est utilisé comme un élément participant à notre bien-être au quotidien. Il nous tient compagnie, il nous divertit, il nous attendrit, il nous protège et il nous rassure. Il doit s’adapter à la personnalité de chaque membre de la famille. Il doit supporter nos sauts d’humeur, notre rythme de vie et il doit se contenter des interactions que nous lui proposons. Pourtant certaines situations génèrent involontairement un stress récurent chez le chien (fougue des enfants, débordements d’affection des personnes en mal d’amour, propriétaire sédentaire …). De plus le chien est contraint à de nombreuses règles liées au contexte socioculturel et environnemental dont lequel il évolue.
Même s’il est impératif d’inculquer des règles de vie au chien afin d’éviter les accidents (chute d’un cycliste, agression d’un enfant, aboiements préjudiciables pour les voisins…) et de lui apporter une structuration mentale lui permettant d’’évoluer sereinement dans notre monde d’humains, il est nécessaire de lui offrir des moments de lâche prise et de liberté intellectuelle.
La balade exploratrice que je propose ici utilise le fonctionnement relationnel propre à l’espèce canine en appliquant le lien d’affinité et de leadership du chien domestique (canis lupus familiaris).
Les avantages de la balade exploratrice :
- Elle permet d’enrichir la base de données sensorielles de l’animal (bruits, odeurs, ressentis tactiles, indications visuelles) afin de renforcer les bonnes réponses comportementales de l’animal face à tous types de stimuli (train, chevaux, école, marché, chat, chemin bitumé, terre, bourrasque de vent …).
- Elle permet de stimuler le cerveau du chien qui devra réfléchir, analyser et répondre à son environnement (communication sémiochimique, mémorisation des données et balisage géographique …) pour guider son humain et pour se mettre à jour dans sa correspondance sociale.
- Elle permet de travailler sur la socialisation (rencontre avec d’autres chiens), la familiarisation (habituation au monde extérieur, humains, animaux…) et les apprentissages éducatifs (ordres directionnels et de contrôle).
- Elle permet de répondre aux besoins en dépenses physiques du chien à condition de respecter son rythme individuel (chien arthrosique, chien actif, chien malade, petit chien, chien endurant …).
- Elle joue un rôle dans la régulation de l’homéostasie sensorielle et émotionnelle (équilibre interne) du chien car elle nourrit certains de ses besoins en influant sur ses réactions (prédation, frustrations, agression, fuite, boulimie, irritabilité …). Le chien se sent plus apaisé et engrange des données positives pour lui.
La balade exploratrice adéquate vu par mon œil de comportementaliste.
Il est impératif de respecter les possibilités physiques et mentales du chien pour lui proposer une balade adéquate afin de récolter les effets bénéfiques escomptés. Cela veut dire qu’il faut tenir compte de divers paramètres listés ci-après :
- L’état de santé physique : Il est important de faire un bilan vétérinaire une fois par an pour connaitre les faiblesses de son chien car elles devront être prise en compte dans le choix des terrains d’exploration que vous lui proposerez et dans la manière dont vous réagirez envers lui. Il est impératif de savoir si son animal ne souffre pas de douleurs, de dégénérescence locomotrice, d’embonpoint, de fatigue liée à l’âge ou à une maladie, d’une baisse des perceptions sensorielles de ses acuités visuelles, auditives, olfactives, gustative et tactiles (…) afin d’avoir des données précises sur ses possibilités et d’adapter la durée et le rythme de la balade.
- La personnalité : Chaque individu à sa propre personnalité. La génétique et les expériences de vie (l’inné et l’acquis) font de chaque chien, un être unique. L’environnement global (les interactions sociales, les conditions climatiques, la nourriture ingérée, le budget temps accordé…) influent sur l’évolution et l’expression de ses comportements. Si votre chien a peur de certains stimuli, s’il est réactif à certains déclencheurs ou bien encore s’il est irrésistiblement attiré par certains éléments environnementaux, il est important d’en tenir compte pour adapter les contextes d’exploration proposés à votre animal.
- Le contrôle et l’apprentissage d’ordres directionnels : Pour pouvoir proposer une balade exploratrice dont le chien serait le leadership, il faut rester maitre de l’environnement et reprendre le lead ponctuellement pour éviter les accidents. Cela nécessite d’apprendre au chien lors de séances éducatives à écouter et collaborer en obéissant à vos directives (Stop, pas bouger, en avant, derrière, pas toucher, viens, au pied). Si votre chien peut avoir des réactions inappropriées, l’utilisation d’une longe et d’une muselière Baskerville seront des éléments de sécurité très utiles pendant la balade exploratrice.
Cas pratique avec l’exemple de Craquotte (ma chienne).
Craquotte est une petite chienne de 6kgs (croisé pinsher) hypersensible. Elle est issue de l’ile de la réunion et souffrait d’un syndrome de privation sensorielle ainsi que d’un stress post-traumatique. Les cicatrices présentes autour de son cou sont les tristes vestiges de son histoire passée. Elle présente un tempérament de chien féral (chien de la rue). Elle n’apprécie pas forcement la proximité des humains non-familiers et elle a un seuil de tolérance faible envers certains de ses congénères lorsqu’ils sont plus grands, trop volubiles ou trop insistants.
Elle est arrivée à la maison à l’âge d’un an et demi. A l’époque, elle était malpropre, elle ne connaissait aucuns apprentissages éducatifs et elle était très apeurée par de nombreux stimuli environnementaux (phobie complexe). Cependant elle a présenté dès le départ, un grand intérêt pour l’exploration notamment par le sens olfactif.
Après 5 ans de vie commune et une désensibilisation progressive, Craquotte est à ce jour, une petite chienne bien dans ses pattes et très obéissante. Elle restera toujours fragilisée et réactive mais ses comportements sont plus pondérés et lui permettent de répondre correctement au contexte de vie proposé à ce jour.
Pour apaiser Craquotte et lui permettre de se familiariser aux stimuli qui la font réagir avec tant d’émotivité, je lui propose tous les matins une balade exploratrice en partant de la maison. Nous avons la chance d’habiter dans une zone riche en itinéraires variés car nous avons au choix, la ville (marché, gare, magasins…), le village historique, la forêt, un grand parc avec des étangs et des zones résidentielles autour de chez nous.
Pour exploiter tous les bienfaits des balades exploratrices , il a fallu respecté plusieurs étapes détaillées ci-dessous :
J’ai conscience que c’est son moment et qu’il est indispensable à son bien-être et son enrichissement. C’est notamment grâce à cela qu’elle est plus apaisée, qu’elle tolère plus les humains non-familiers et les autres chiens. Je me délecte de la voir si bien chaque jour donc je reste toujours très calme et je me laisse porter par l’instant. Cependant je reste vigilante (mais discrète) aux stimuli environnementaux car je suis la responsable légale de ma chienne et je dois veiller à ce qu’elle ne créé aucune nuisance ni qu’elle ne soit la source d’aucun danger. Mais j’essaie toujours de réagir posément et par anticipation pour ne pas influer sur ses réactions émotionnelles (sauf lorsque je renforce ses bonnes réactions).
Craquotte ne présentant ni trouble alimentaire compulsif (elle mange doucement sa gamelle et elle ne mange rien à l’extérieur) ni besoin fort de prédater (attaque de prédation ou pistage du gibier), je respecte l’ordre naturel des phases rythmiques de prédation (phases de nourrissage psychique et physique). La phase consommatoire étant antérieure à la phase de satiété, je lui propose donc une balade exploratrice le matin avant de lui proposer une bonne gamelle qui vient finir de la rassasier et de l’apaiser.
Article écrit par Valérie Cantaloube - Comportementaliste pour chien et chat